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21 février 2007 3 21 /02 /février /2007 17:54

Fox

Presque dix ans avant la déferlante Titanic, James Cameron réalisait un film cristallin, à la logistique lourdingue, à l'équilibre fragile et à la beauté terrassante, SON odyssée, SON chef-d'oeuvre : Abyss.

Fasciné par l'élément liquide, par la mine de trésors qu'il renferme et par son ambiguité latente (à la fois menace potentielle et source de progrès pour l'Homme qui tente de le dompter), allant jusqu'à lui accorder une conscience propre (en ce sens, la version longue cite judicieusement le philosophe Friedrich Nietzsche : "...when you look long into an abyss, the abyss also look into you..."), Cameron remue ciel et terre pour mettre en boîte lefilm de ses rêves. Alors la Fox, satisfaite de son travail sur Aliens, débloque un budget pachydermique de plus de 60 millions de dollars (on est en 1988) ; et Jimbo de réaliser dans les vestiges d'une centrale nucléaire - en digne illusionniste qu'il est - une oeuvre divine, tour à tour spectaculaire, gracieuse et profondément dramatique. Le cinéma rêvé, quoi...

C'est un fait indéniable : par sa perfection technique, son réalisme, son sens du grandiose et son visuel immersif, Abyss rappelle 2001, film-fétiche de Cameron (la ressemblance s'arrêtant là). Par l'émerveillement provoqué, la candeur toute relative du propos et l'affect suscité, Abyss évoque le Close Encounters de Steven Spielberg (n'oublions pas non plus l'aspect lumineusement angélique des mystérieux aliens...). Deux belles références, vous ne trouvez pas ? Un autre point commun uni Abyss à Close Encounters : les reproches récurrents qui leur sont faits. Certains font état de la "naïveté" caractéristique des deux réals comme d'un défaut rédhibitoire des dits-films, et même de leur filmo toute entière : l'argument est discutable, la définition du terme "naïf" étant assez large et, du plus rêveur au plus cartésien, les films font appel après tout à notre sensibilité propre... Autre reproche entendu, cette fois-ci à l'encontre de James Cameron précisément : la relative faiblesse du scénario. Là aussi, faux problème : Cameron fait partie de ces metteurs en scène (à l'instar de McTiernan) qui savent transfigurer le fond par la forme, et abordent le cinéma par un visuel iconique, évocateur, qui détermine la narration ; dès lors, il leur suffit d'un CONCEPT fort et d'une assise scénaristique viable pour pondre une tuerie (Aliens, True Lies, Die Hard, Predator... ça vous suffit ?).

Alors on pardonne le final du genre "tout est bien qui finit bien" (mais dont l'incohérence est corrigée par une extraordinaire version longue parue en 1992, aux effets spéciaux inédits tout droit hérités de T2, une version longue qui développe avec bonheur certaines parties obscures de l'intrigue comme le contexte de Guerre Froide, et qui précise les raisons du coming out de nos visiteurs aquatiques) et l'on savoure une nouvelle fois les trois passages suivants, trois séquences enchaînées, emblématiques du cinoche du réal canadien : le pétage de plomb de Coffey (Michael Biehn dans son meilleur rôle) et le monumental combat sous-marin qui suit (un combat de robots géants, ça vous rappelle rien ?) ; le sacrifice aveugle de Lindsey, Budd ramenant son corps inanimé vers Deepcore (perdu dans l'immensité bleu-noir de l'océan, un plan inoubliable) ; la scène de réanimation jusqu'au boutiste de Lindsey, cinq minutes intenses durant lesquelles l'immense Ed Harris martèle la carcasse inerte de la pauvre Elisabeth Mastrantonio, cinq interminables minutes où l'abnégation se dispute à l'acharnement, où l'on se refuse la venue de la Mort, cinq minutes bluffantes où tout l'argent investi, les moyens techniques déployés, les décors colossaux et autres prouesses technologiques s'effacent, faisant place à un moment d'émotion pure, un instant de grâce absolu.

Ne nous y trompons pas : sous ses faux airs de blockbuster thuné comme un gagnant de l'Euromillion, Abyss est une oeuvre d'une délicatesse et d'une sincérité inouïes, un diamant pur du cinéma contemporain.



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commentaires

R
Certainly the payoff to The Abyss is pretty damn silly — a portentous deux ex machina that leaves too many questions unanswered and evokes too many other films
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C
Bonjour, je suis venue par hasard vers ton weblog via une navigation sur bing. Il m'a pas menti ca semble bien !!! :D Tschuss !! Lina
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